GIMC
dispositif  Médico-Social Wallon


À la rencontre du dispositif Médico-Social Wallon

La grande question qui se pose régulièrement est la suivante : pourquoi la Wallonie accueille-t-elle autant de français en situation de handicap ?

Les chiffres du rapport de l’Inspection des Affaires Sociales sont sans équivoque.

La « part de marché » des français se monte à 23% de la capacité installée en Wallonie.

L’importance du phénomène peut être aussi présentée de la façon suivante :

Sur 404 institutions recensées, 89 accueillent des français. Certains s’en sont faits une spécialité avec 5 établissements accueillant chacun plus de 100 jeunes résidents français soit 75% des places offertes. La grande majorité des personnes handicapées accueillies viennent des départements du Nord et du Pas de Calais.

Le dispositif belge est donc véritablement phagocyté par les français.

Du point de vue de la France, cette « exportation » de personnes handicapées n’est pas très importante, environ 2% par rapport au nombre de personnes accueillies en France.

Une analyse plus fine confirme l’idée de phénomène lourd : 10% de l’ensemble des bénéficiaires du dispositif CRETON sont placés en Belgique et, par ailleurs, ce pays semble bénéficier d’avantages comparatifs indiscutables dans certains handicaps.

Le médico-social : service local ou marchandise internationale ?

Un service est dit local quand il n’est pas soumis aux risques de la délocalisation et que ses débouchés sont locaux.

Mais la situation du médico-social nous interpelle car le soin apporté aux personnes handicapées est un service qui peut être produit et consommé localement ou à l’inverse produit et consommé à l’étranger.

Rien n’empêche des capitaux étrangers à investir dans le marché du handicap en France.

Le volume d’activités correspondant se fera sur la base d’un financement public national au profit de « capitalistes étrangers » mais ce type de situation est parfaitement envisagé dans la réglementation européenne.

Les sujets de préoccupation sont les suivants : Le service public ou les acteurs privés chargés d’une mission de service public ne sont plus protégés par le caractère plus ou moins obligatoirement local des financements.

Avec la construction européenne, le financement public des soins apportés aux personnes handicapées peut très bien donner lieu à des dépenses publiques à l’étranger. Cette ouverture de la dépense publique est, sans doute, la cause la plus importante qui fait basculer le médico-social dans le statut de marchandise en voie d’internationalisation. La Belgique, déjà en pointe dans « le tourisme médical », veut accélérer ce processus très porteur d’emplois pour ce pays.

Il s’agit d’une stratégie de capture de la dépense publique étrangère, stratégie dont l’issue est le recul global des marchandises et services locaux ;

l’économie de pénurie que l’on rencontre dans tout secteur qui est juridiquement exclu du « marché ». L’explication est simple : le blocage juridique de l’offre et son prix très faible font nécessairement apparaître une pénurie structurelle dans le secteur médico-social qui ne pourrait être réduit qu’en faisant appel « au marché », mais ceci pose d’autres problèmes.

En France, les acteurs du dispositif médico-social se plaignent du manque d’ouverture des autorités de tarification et des files d’attente auprès des établissements.

Il est donc logique d’essayer de trouver à l’étranger des solutions qui se font attendre localement. Ces solutions à l’étranger s’organisent au sein d’espaces culturellement proches et peu éloignées des frontières de notre pays.

Les Français en Wallonie sont dans des établissements implantés tout au long de la frontière avec la France.

Le pragmatisme belge

Obtenir un agrément est une opération à priori aussi délicate en Belgique qu’en France.

La raison est simple: qui dit agrément dit financement automatique, ce qui signifie pression sur des finances publiques qui obéissent en France comme en Belgique aux critères de Maastricht.

Aux dires des responsables rencontrés de l’AWIPH*, les établissements s’ouvrent et fonctionnent avant même que l’autorisation de prise en charge soit accordée.

Cette autorisation ne vaut pas financement comme l’agrément.

A l’ACIS*, il a été indiqué que des entrepreneurs achètent des maisons le long de la frontière pour les transformer en établissements financés par la dépense publique française.

Le terme de pragmatisme belge mérite une explication. Il s’oppose à tout ce qui est rigoureux, intangible et essentiel ; qualificatifs censés correspondre à la réalité française.


Ce pragmatisme signifie deux faits complémentaires:

1. La réalité juridique ouvre la porte à la marchandisation. Le dispositif belge est beaucoup plus souple et s’inscrit dans un cadre où le jeu social est libre et où les blocages institutionnels sont relativement dépassés. L’éventail des comportements possibles est plus ouvert. Nous sommes davantage dans une logique de contrat que dans une logique de règlement, dans une logique de droit privé que dans une logique de droit public.


2. La conception française de la citoyenneté et de la liberté nous rend méfiants vis-à-vis du «marché » et n’accorde pas de place centrale à la propriété mais elle a développé la passion de l’égalité. Dans la conception belge, la liberté est incluse dans la propriété et est en accord avec le marché. Si, en France, le médico-social doit rester en dehors du monde marchand, en Belgique, le capitalisme peut se développer dans tous les secteurs y compris dans le médico-social .

En conclusion, l’internationalisation de la dépense publique, le maintien d’une économie de pénurie et le pragmatisme belge font passer, de façon très limitée actuellement, le dispositif médico-social français du statut de service local au statut de marchandise internationale.


Le niveau d’internationalisation à l’avenir dans le médico-social ?

Internationalisation ne veut pas dire privatisation.

Le médico-social relève de financements publics massifs. Ceux-ci peuvent désormais se réaliser à l’étranger et chaque pays de la Zone Euro est économiquement intéressé par la capture des dépenses publiques des pays voisins. Cela signifie qu’un pays dont l’Etat est généreux devient une aubaine économique pour les pays tiers puisque ces derniers vont bénéficier d’une partie des dépenses et des effets multiplicateurs de celles-ci.

Les 89 établissements installés en Belgique le long de la frontière créent des emplois en Belgique et effectuent tout un ensemble de dépenses locales dont l’économie belge va globalement profiter et ce à partir de prélèvements publics effectués en France, prélèvements qui sont aussi un prélèvement net, avec un effet multiplicateur négatif sur l’économie française.

Une série d’interrogations demeure : les autorités de tarification disposent-elles d’outils d’analyse leur permettant de déterminer les impacts de leurs décisions ? Quel Conseil Général connaît le « coût d’opportunité » d’une dépense effectuée pour leurs personnes handicapées « placées » en Belgique ?

L’internationalisation de la dépense publique maintient la pénurie car elle dépend du dispositif organisationnel retenu. Cette pénurie est ressentie par tous et développe des recherches individuelles à l’étranger qui, réglementairement financées, empêchent l’élargissement du dispositif local ou national, l’enveloppe globale restant fixe.

Le maintien en l’état de la capacité locale d’accueil risquant d’entrainer de nouvelles demandes de délocalisations…

Le pragmatisme belge n’a aucune raison de se modifier puisque très largement constitué de paramètres sociétaux en opposition avec « l’exception culturelle française ».


Le secteur médico-social se dirige-t-il vers une forme de marchandise internationale ?

Je pense que non ; en raison des frontières culturelles et linguistiques et de l’insertion généralement locale des familles.

La question familiale est décisive et un éloignement important est loin de devenir une norme.

Le lien familial est une force essentielle au maintien du caractère local du secteur.

Si près de 50 départements sont concernés par l’accueil belge, les 4/5 proviennent des départements frontaliers et le département du Nord totalise à lui seul 51% des personnes accueillies.

Ceci signifie que l’internationalisation du secteur se limitera à l’espace francophone très proche de la France : le pays wallon et peut-être la Suisse Romane.

Mais une variable régulatrice des flux intervient : le prix de journée.

Si les coûts en Belgique n’étaient pas compétitifs, il n’y aurait pas d’hébergements de Français en Belgique.

Sous convention générale, qu’il s’agisse de l’Assurance Maladie ou des Conseils Généraux, les prix de journée moyens accordés aux établissements belges sont inférieurs aux prix de journée français.

Comme les établissements belges sont libres de ne pas accepter, nous nous trouvons alors dans un échange mutuellement avantageux avec, par conséquent, une tendance à la délocalisation qui ne peut que se maintenir. Il s’agit là d’un intérêt à très courte vue pour les autorités françaises qui, encore une fois, ne semblent pas évaluer « le coût d’opportunité » réel dû aux effets multiplicateurs négatifs déjà cités.

Par contre, sous convention individuelle, les prix belges sont supérieurs aux prix français.

Aux effets multiplicateurs négatifs vient s’ajouter un surprix probable, conséquence de la constatation qu’il n’existe pas de solution au placement local. Le Département paie le prix fort de la pénurie.

En conclusion, je pense que ce « marché de la capture des dépenses publiques étrangères » créera un problème car la France est fort mal placée : son Etat est très convoité par les entrepreneurs étrangers, car très généreux, et que les agents économiques français sont dans un carcan juridique et culturel qui les rend peu performants dans la prise de parts de dépenses publiques étrangères.


Robert Durandeau, Administrateur


AWIPH : Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées est située à Charleroi et ses services emploient 8000 Equivalents Temps Plein.

ACIS : Association Chrétienne des Institutions Sociales de Santé (3700 collaborateurs) est située à Namur et gère aussi 11 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en France.


LE GIMC EN BREF

  • ASSOCIATION LOI 1901. Le GIMC est une association déclarée loi 1901, à but non lucratif. Adhérent à la FFAIMC il bénéficie d'un statut de reconnaissance d'utilité publique.
  • ACCUEIL. Le GIMC accueille 300 personnes handicapées moteurs, enfants, adolescents et adultes dans ses 11 sites, établissements ou services. Il emploie 380 salariés. Il gère un budget de fonctionnement annuel de près de 16,5 millions d’euros.
  • CONSEIL D'ADMINISTRATION. L’association est administrée par un Conseil d’Administration de 10 à 21 membres, parents et amis, élus pour 3 ans par l’Assemblée Générale.

Adresse
Rue de la Py
75020 Paris


Contacts

Email: elodie@gimc.fr                    
Téléphone: 01 40 32 46 00
Fax: 01 40 32 44 51